
Pourquoi des patients très cartésiens se tournent aussi vers des thérapies alternatives.
Je n’osais pas trop écrire cet article, parce qu’il faut l’avouer, la médecine alternative, c’est un sujet qui divise, qui fâche, qui déclenche des passions. Je sais que je risque de perdre à la fois des abonnés patients qui ne jurent que par la médecine alternative et sont farouchement opposés à toute vaccination par exemple, et des abonnés soignants qui ne jurent que par la médecine conventionnelle et se moquent des patients qui osent “aller voir des charlatans”. Tant pis.

C’est une amie médecin faisant partie de cette seconde catégorie, qui m’a un jour demandé, alors qu’elle était encore interne, pourquoi moi, alors qu’elle me savait profondément cartésienne, j’allais faire de l’acupuncture, de la médecine chinoise, de l’hypnose ou consulter en naturopathie. On a discuté. Elle était moqueuse au début, puis très ouverte d’esprit, et curieuse (ben oui, c’est mon amie quand même 😉 )

Je n’avais jamais vraiment réfléchi ni mis de mots sur la raison pour laquelle j’avais ressenti le besoin de me tourner vers des thérapies alternatives dans mon parcours de soin. Car oui, c’était un besoin.

J’y ai repensé, j’ai compris, et je me suis dit que ça pourrait servir à d’autres de l’expliquer. Pour que, peut-être, on comprenne, et par conséquent on respecte plus facilement le choix de ces patients, et qu’on arrête de les considérer comme des illuminés ou des idiots.
Les thérapies alternatives, je n’y vais pas pour guérir. J’y vais en support. En soutien.
En fait, j’y vais d’abord pour l’écoute active.
Car mon médecin généraliste, mon neurologue ou mon gynécologue sont compétents, mais pas forcément compatissants. Ils s’occupent de façon professionnelle de mes symptômes les plus graves et de l’évolution de ma maladie, mais laissent de côté tout ce qui gravite autour. Ce qui n’est pas leur priorité. Et notamment un petit symptôme. Sauf que ce petit symptôme, qui n’est pas grave dans le sens où il ne porte pas atteinte à ma vie, et ne me provoque pas de gros troubles moteurs, est terriblement douloureux et handicapant dans ma vie quotidienne.
Lorsque j’insiste pour qu’on le considère, l’explore et me propose de quoi le soulager, mon médecin m’écoute distraitement et balaye le sujet d’un geste de la main. Parce qu’un bon médecin n’a malheureusement pas forcément beaucoup de temps à lui consacrer, il me dit souvent qu’on a d’autres priorités (à savoir les symptômes qui peuvent porter atteinte à ma vie) et qu’un mauvais médecin n’a juste pas envie de s’en occuper (eh oui, il y a de tout, comme partout).

Alors, je repars avec mon petit symptôme pas très grave mais très douloureux. Moins on le considère, et plus j’y pense. Plus j’y pense, et plus j’ai mal.

Si mes médecins n’ont pas le temps de m’écouter, eh bien je vais chercher l’écoute ailleurs, et je me dirige vers la médecine alternative. Vers des thérapeutes pour qui l’écoute active est le principe de base de leur pratique.
Il n’y a pas de méthode miracle, et mon petit symptôme pas grave est toujours là. Mais il est considéré, pris en charge, et psychologiquement, ça me soulage déjà beaucoup. Il est là, mais il est beaucoup moins douloureux, et beaucoup moins handicapant. Et finalement, c’est tout ce que je demandais.
J’y suis allée aussi pour la vision globale du corps, lorsque j’étais en errance médicale.
Parce qu’aller de spécialiste en spécialiste, qui constate à chaque fois un problème sur l’organe de sa spécialité sans savoir l’expliquer, et sans le mettre en relation avec mes autres symptômes, c’est usant. Épuisant. Je n’avais plus envie de courir de service en service, d’hôpital en hôpital. Je voulais tout arrêter.

Alors, j’ai consulté en médecine alternative, le thérapeute a pris le temps de discuter avec moi, j’ai pu lui lister la totalité de mes symptômes sans qu’il me coupe, il m’a dit qu’il comprenait mon désarroi et que ça ne devait pas être facile à vivre au quotidien. Cette phrase, si simple, m’a fait du bien. Je me suis sentie comprise, ou en tout cas écoutée, reconnue, et aucun symptôme n’était minimisé. Je me suis sentie humaine, plus forte, et j’ai pu retourner dans le bal des rendez-vous de spécialistes.

Comme quoi, pour moi, médecine conventionnelle et médecine alternative ne s’opposent pas mais se complètent.

J’“utilise” la médecine alternative en complément de mes traitements allopathiques. Je fuis les thérapeutes qui sont contre la médecine et m’encouragent à arrêter mes traitements (mais heureusement ils sont peu nombreux).
Je me dirige également vers la médecine alternative une fois que ça va mieux, que la tempête est passée, que mon état est stabilisé.
Parce que je sais que la maladie est toujours là, mais peu active, et qu’il suffit de peu pour la réveiller. Alors, je me focalise sur la prévention, et pour cela c’est plutôt une naturopathe que je vois. Parce qu’elle prend le temps de me parler de mon hygiène de vie, de choses toutes simples, toutes bêtes, que mon médecin traitant ne prend pas toujours le temps de me dire. Et puis, parce qu’après la tempête, j’ai aussi envie de m’éloigner de la salle d’attente de ce médecin, qui me rappelle la maladie.
J’ai eu du mal à écrire cet article, comme j’ai eu du mal à parler de ces thérapies alternatives à mes soignants. Mais j’avais besoin de le faire, car je vois de plus en plus de posts de soignants sur les réseaux sociaux qui me font froid dans le dos. Ils partagent des messages de patients qui se dirigent vers des médecines alternatives, en se moquant.

Pour les plus extrêmes, en insultant. (Bon heureusement, depuis j’ai quitté Twitter pour Instagram et j’y ai trouvé un peu plus de soignants bienveillants, ouverts d’esprit et respectueux des choix de chacun !)
Je trouve ça important, que les soignants soient au courant, comprennent et respectent mon choix d’intégrer la médecine alternative dans mon parcours de soin. Pourtant, je n’ose plus en parler, car j’ai souffert du jugement hâtif qu’ils avaient envers ces thérapies. La fois où, toute contente, j’ai annoncé à mon médecin que j’avais trouvé un peu de soulagement sur ce petit symptôme, il a ri. Il a ri, en me disant :

J’en ai parlé à mon spécialiste, et lui a haussé les sourcils avec un petit air un peu dédaigneux. J’avais eu besoin d’aller voir ces thérapeutes, et j’ai trouvé mes médecins très fermés d’esprit de ne pas me soutenir dans cette démarche. Je crois qu’en fait, j’aurais juste aimé qu’on me dise “ah d’accord” ou “très bien, essayez ce que vous voulez, mais suivez bien votre traitement”. Je crois qu’ils avaient peur des dérives, peur que je ne prenne plus mes traitements, peur que je tombe effectivement sur des charlatans. Mais je crois aussi que si on en avait discuté, ils auraient compris. Parce qu’après tout, il s’agit de mon corps, de mon argent (je ne parle pas de médecine alternative remboursée par la sécurité sociale), et tant que cela ne met en danger ni ma vie ni celle du reste du monde, pourquoi se moquer ? Pourquoi chercher à m’en empêcher ?

Peut-être que cet article a hérissé vos poils, vous a fait rire, vous a mis en colère.
Peut-être qu’il ne vous a rien fait du tout.
Mais peut-être qu’il vous a fait réfléchir, et que, comme mon amie médecin aujourd’hui, vous verrez différemment ces patients.
Bien entendu, cela reste une expérience personnelle et des raisons personnelles. J’imagine que chaque patient qui s’oriente vers la médecine alternative a ses propres raisons, qu’elles soient liées à ses croyances, à une longue errance médicale qui provoque une certaine méfiance envers le corps médical, à une impasse thérapeutique, à des violences médicales vécues, à ses propres expériences avec le soin.